Depuis son invention, ses inventions, la photographie n’a cessé d’être interpellée sur sa valeur artistique, culturelle et sociale. Image, elle fut dès l’origine opposée à la peinture, tantôt pour accuser son réalisme trivial, tantôt pour en souligner l’infinie reproductibilité, tantôt pour l’assigner au statut de pâle copie. La photographie semble ainsi lancée à la poursuite d’une impossible reconnaissance artistique garantie par les gardiens des Beaux-Arts. L’image photographique jugée soit sans relation aux techniques, soit prétextant au contraire de la seule mécanique du procédé, a été souvent tronquée par les critiques d’art. La photographie est une ombre, un simulacre, une copie du réel, fidèle au reflet du miroir dont la beauté s’évanouit en l’absence de l’original détenteur de vérité au panthéon de l’esthétique.
Toutefois les photographies dans leurs matérialités, dans le champ des possibles qu’elles inaugurent, sont très exactement des « impressions » du réel. A ce titre elles ne témoignent pas seulement de ce qui a été, mais d’une manière d’être. Elles renvoient tout autant au visible qu’au visuel, invisible à l’œil nu. Elles ouvrent comme d’autres œuvres d’art, une seconde vision et une nouvelle matérialité. Situées à la frontière entre la trace du passé et l’institution du présent, elles oscillent entre une fonction conventionnelle, normalisatrice et l’irruption permanente de l’imaginaire et de l’inachevé, entre l’icône et l’indice.
Reprenant l’interpellation de Cézanne déclarant en 1905 à Emile Mâle, « Je vous dois la vérité en peinture et je vous la dirai » j’ai voulu revisiter brièvement les polémiques et les affirmations sur la valeur de vérité en photographie. Parodiant J. Derrida qui avait fait de cette interpellation le titre de sa recherche sur « la vérité en peinture », il a semblé préférable de ne pas appuyer cette présentation sur la discipline « photographie ». Cette discipline qui aura deux siècles vers 2020, commence d’asseoir ses histoires qui restent profondément ancrées dans des évolutions techniques, des expérimentations permanentes, des parentés incertaines, des critères nationaux.
Aussi, pour tenter d’allier précision et généralités, la question de la vérité en photographie est ici rapportée au photographe lui-même et à l’image photographique qui lui est la plus emblématique, au risque que certaines images soient déjà devenues des icônes photographiques.
Seules des images dites « argentiques » illustrent le propos, considérant que le numérique est un vrai tournant dans la pratique photographique.
D’une manière plus personnelle, je fais référence aux photographes qui ont été les repères de ma pratique photographique, que ce soit comme photographe ou comme orchestrateur d’ateliers publics avec l’Association Oscura fondée en 1990 dans le cadre de la sensibilisation aux patrimoines (http://www.vuesimprenables.com/oscura). Cette démarche collective s’est traduite par une initiation de milliers de personnes à la photographie, sa technique, sa physique et son iconographie. Vérité du photographe rime ici entre l’intime et le collectif, entre le faire des images et le faire-faire de la photographie spécialement à l’aide d’un instrument antique, le sténopé. La Vérité et le photographe est une recherche à la frontière entre un dehors et un dedans, entre une chambre obscure et l’aveuglement de la lumière, dans un entre mondes où s’instaure un langage accessible à tous.
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Retrouvez la liste des photographies et photographes présentés lors de la conférence ICI
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Jeudi 28 janvier 2016 de 19h à 20h30
Lieu de rendez-vous : Athénée Père Joseph Wresinski, Place Saint-Christoly, Bordeaux
Intervenant : Jean-Michel Galley, photographe, membre fondateur de l’association Oscura
Tarifs : 5€ pour les non adhérents // 3€ pour les adhérents
Gratuit pour scolaires, étudiants, demandeurs d’emploi et titulaires de la Carte Jeunes Bordeaux
Réservations : contact@toutartfaire.com / tel. 07.68.48.91.52
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Crédit photographique couverture : Autoportrait dans une glace, 1978, Dieter Appelt